<151>Ce sont là les beaux fruits que m'ont valus mes Œuvres.
J'ignore par quel tour et par quelles manœuvres
Quelque scélérat de métier
A l'aide du larcin a pu les publier;
Amant respectueux des filles de Mémoire,
Reçu chez Calliope, admis près de Clio,
Sans être insensible à la gloire,
J'étais poëte incognito.
Je n'ai jamais voulu, m'affichant pour poëte,
Étourdir les passants du bruit de ma trompette.
Ni répandre mes vers dans l'idiot public,
De ses vains préjugés esclave pour la vie;
Je ne suis pas si fou, et n'eus jamais le tic
D'éclairer son faible génie
Aux rayons du flambeau de la philosophie.
Peut-il sentir, peut-il goûter
Des vers où le bon sens s'allie
Aux grâces de la poésie?
Il n'est fait que pour végéter.
Je l'abandonne à sa bêtise;
L'erreur est sa divinité,
Et tout auteur le scandalise
Qui lui montre la vérité.
Quand encor le démon du Pinde me domine,
Que mon esprit appesanti,
Se ranimant, excite un feu presque amorti.
S'il m'échappe en riant une pièce badine,
Sans que mon nom soit compromis.
Sans penser au public, ma muse la destine
A désennuyer mes amis,a

Je vous avoue, mon cher marquis, que je suis très-fâché de paraître devant le public en qualité de poëte : tous ces gens sont en mauvaise réputation; le jugement le moins défavorable qu'on en porte, c'est qu'ils sont fous. Pour le Dictionnaire des athées,b il est du


a Voyez t. XIII, p. 09 et 60.

b Trinius, Freydenker-Lexicon. Leipzig, 1759, huit cent soixante-seize pages in -8.