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176. DU MARQUIS D'ARGENS.

Potsdam, 6 juin 1761.



Sire,

J'ai eu l'honneur de recevoir une de vos lettres à Havelberg, et, le lendemain, une autre à Rathenow, et c'est de Potsdam que je réponds à V. M. Mes crampes d'estomac sont devenues si fréquentes, que les médecins m'ont conseillé de faire pendant dix ou douze jours un voyage pour me secouer, et de prendre ensuite les eaux pendant une quinzaine de jours. J'ai donc été à Fehrbellin, de là à Kyritz, de Kyritz à Havelberg, de Havelberg à Rathenow, de Rathenow à Barnewitz, et de Barnewitz je suis revenu à Potsdam. Ces dix jours de voyage m'ont soulagé, et je serais obligé à V. M., si elle ne trouvait point mauvais que je prisse pendant quinze jours, c'est-à-dire jusqu'au 22 de juin, les eaux à Sans-Souci, après quoi je retournerai à Berlin, ou bien, selon les événements, je resterai à Potsdam jusqu'à ce que je puisse avoir le bonheur de revoir V. M. Je ne puis croire que ce temps heureux soit encore bien éloigné. Voilà M. de Bussy à Londres, et mylord Stanley à Paris. Je pense que ces négociateurs iront plus vite que ceux du congrès d'Augsbourg. Toutes les gazettes ne parlent que de votre traité avec les Turcs; elles ajoutent même que vous aviez reçu dans votre camp un envoyé de la Porte Ottomane. Ce qui me fait douter de cette nouvelle, c'est que V. M. ne me dit pas un mot de cet ambassadeur musulman, quoique j'aie l'honneur d'être grand partisan de saint Mahomet, et que j'aie visité avec une dévotion exemplaire les sept mosquées impériales de Constantinople. Si les serviteurs du prophète peuvent nous être utiles, je consens de faire le voyage de la Mecque et de Médine; mais, si les princes chrétiens voulaient être raisonnables, j'aimerais encore mieux la paix que l'avantage de voir le tombeau de l'envoyé de Dieu et de rapporter