<295> s'appuyer. Marc-Aurèle est mon bâton, je m'en sers; s'il ne me rend pas de bonnes jambes, il m'aide à me traîner, et cela suffit. Adieu, mon cher marquis; je ne veux point vous communiquer ma mélancolie, qui devient facilement épidémique. Je souhaite d'apprendre de vos bonnes nouvelles; je vous donnerai des miennes lorsque je le pourrai, en vous assurant que je vous aimerai et que je vous estimerai toujours.

199. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 12 novembre 1761.



Sire,

Je prends la liberté d'envoyer à Votre Majesté le livre dont j'ai eu l'honneur de lui parler dans ma dernière lettre. Que le grec et le latin que V. M. verra dans cet ouvrage ne la dégoûtent pas; je lui dirai que cela ne doit point embarrasser ceux qui n'entendent pas ces langues; tous les passages cités sont fidèlement traduits, et le sens est toujours lié, indépendamment des citations grecques et latines. On peut lire cet ouvrage en français sans trouver aucune interruption, et avec la même facilité que s'il n'y avait ni grec ni latin.

J'ai tâché de prouver, et de prouver invinciblement dans cet ouvrage, que la morale des véritables philosophes épicuriens est infiniment meilleure que celle des théologiens; que toutes les prétendues raisons philosophiques par lesquelles ils prétendent expliquer la nature divine et celle de l'âme sont des ballons enflés de vent. J'ai admis les vérités de la religion, parce qu'elles étaient révélées; je rendrai bon compte de cette révélation dans ma traduction de Timée de Locres, et je la tirerai au clair. Mais, en détruisant tous les raison-