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236. AU MARQUIS D'ARGENS.

Breslau. 29 avril 1762.

Je commençais à languir comme une fleur qui n'a pas été arrosée de longtemps, lorsque Catt m'a rendu votre lettre. Cette divine rosée m'a ranimé et m'a donné une nouvelle vie. Il est plaisant, mon cher marquis, que vous travailliez sur le Nouveau Testament, et moi sur les Pères de l'Église. Quel démon nous a fourni ces idées? Dites-moi, par quel concert notre esprit s'est-il dirigé en même temps sur ces matières? Je crois que nous n'en savons rien ni l'un ni l'autre. Je vous avoue que je m'étonne de l'égarement extrême de l'esprit humain toutes les fois que je relis ces disputes sur des dogmes et des mystères. Cependant je ne vous dis rien que ce que vous savez déjà, et je vois d'ici, à votre air, que vous voulez de bonnes nouvelles. Je me trouve assez heureux pour vous servir comme vous le désirez. Du côté de la Russie j'attends le courrier avec le traité de paix, et l'alliance de la part de la Suède, Les médiateurs crèvent tous les chevaux de poste pour arriver et signer tout de suite la paix. Ce n'est pas encore tout : le successeur de Mithridate se met actuellement en campagne et m'envoie un grand secours, et ces peuples que le soleil regarde en naissant sont en mouvement également; les traités sont faits, tout est arrangé, de sorte que nous pouvons compter sur l'accomplissement de mes espérances. Ce sont des nouvelles qui se sont lait attendre; mais elles sont si bonnes, qu'on peut leur pardonner leur lenteur.

J'espère donc à présent avec fondement que l'année présente fera la clôture de nos travaux. Catt m'a parlé du pauvre comte Gottera comme d'un homme à l'agonie. Hélas! je ne retrouverai à Berlin


a Voyez t. X, p. 113, et t. XVII, p. VII. et p. 353-369.