<356> aussi y parut-il bien à ce souper où se trouva le duc de Nivernois,a où vous soutîntes la moitié de la conversation en grec, et où je voulais un dictionnaire pour pouvoir en quelque façon entendre quelques mots des savants propos que vous tîntes vous deux.

Pour moi, je n'ai point profité à cette malheureuse guerre comme vous; j'y suis devenu philosophe pratique; j'ai d'ailleurs oublié le peu que j'ai su, et je n'ai appris qu'à souffrir patiemment les maux que je ne pouvais éviter. Adieu, mon divin marquis. Vous pouviez garder les ouvrages nouveaux de d'Alembert, qui en vérité sont du poids de notre monnaie courante. Je vous prie de bien conserver votre santé et de vous ressouvenir de vos amis, qu'un esprit malin lutine par le monde selon son caprice. Vale.

242. DU MARQUIS D'ARGENS.

Potsdam, 18 mai 1762.



Sire,

Me voici arrivé depuis hier dans le délicieux séjour de Sans-Souci, et j'y apprends aujourd'hui, par une lettre qu'on m'écrit de Berlin, que vous avez battu le corps du général Beck, et fait huit bataillons prisonniers. Vous traitez aussi mal les Autrichiens en Silésie que le prince Henri en Saxe. Voilà un bon commencement de campagne, et, si les choses qui, selon ce que je conjecture, doivent arriver au commencement du mois prochain ont lieu, je ne doute pas que vous ne revoyiez avant la fin de cette année les bords heureux de la Havel,


a Le duc de Nivernois avait été à Berlin, au commencement de janvier 1750, pour négocier une alliance avec la Prusse. Voyez I. IV. p. 37.