<367> besogne, parce qu'on rencontre cent empêchements dans son chemin. Je m'abandonne à la destinée, qui mène le monde à son gré; les politiques et les guerriers ne sont que des marionnettes de la Providence. Instruments nécessaires d'une main invisible, nous agissons sans savoir ce que nous faisons; souvent le produit de nos soins est le rebours de ce que nous espérions. Je laisse donc aller les choses comme il plaît à Dieu, travaillant dans l'obscurité, et profitant des conjonctures favorables lorsqu'elles se présentent. Czernichew est en marche pour nous joindre. Notre campagne ne commencera que vers la fin de ce mois, mais alors il y aura beau bruit dans cette pauvre Silésie. Enfin, mon cher marquis, ma besogne est dure et difficile, et l'on ne saurait dire encore positivement comment tout ceci tournera. Faites des vœux pour nous, et n'oubliez pas un pauvre diable qui se démène étrangement dans son harnois, qui mène la vie d'un damné, et qui, malgré tout cela, vous aime et vous estime sincèrement. Adieu.

249. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, juin 1762.



Sire,

Il s'en faut bien que je plaisante sur vos courriers; ils ont apporté de trop bonnes nouvelles. Je veux que les Turcs ne fassent aucun mouvement cette année; la situation des affaires me paraît cependant admirable. Je ne suis pas M. Euler, mais je sais pourtant assez calculer pour voir que soixante mille Russes et vingt mille Suédois font quatre-vingt mille ennemis de moins; que vingt-cinq mille hommes que nous avions contre les Russes, cinq mille contre les Suédois, sont trente mille hommes, auxquels vingt mille Russes réunis forment une ar-