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285. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 25 février 1763.



Sire,

J'ai eu l'honneur d'écrire à Votre Majesté, le lendemain de mon arrivée à Berlin, la joie et la satisfaction que j'y avais trouvées parmi tous les habitants. Elles vont tous les jours en augmentant; on ne voit ici que festins, que bals chez les grands, et que fêtes chez les petits. Au milieu de tous ces plaisirs, je fais des vœux pour l'heureux retour de V. M. Je traduis Plutarque. J'envoie dix fois par jour savoir si les bateaux vont, et dix fois l'on m'annonce qu'ils ne navigueront pas de quinze jours, ce qui me dérange fort pour le transport de mes meubles; car, s'il faut que je les fasse transporter par terre, il me faut pour le moins douze chariots, qui, à vingt écus par chariot, me coûteront deux cent quarante écus, au lieu de vingt-cinq que je payerais pour un bateau, s'il plaisait au dieu des eaux de les faire dégeler.

Comment V. M. se plaît-elle dans son château de Dahlen? Je ne suis pas en peine que vous y trouviez de quoi remplir le peu de moments que les affaires de l'État et de l'armée vous laisseront, par la lecture des livres que vous y avez emportés, et je me figure que vous avez déjà achevé de parcourir toutes les rapines de Verres touchant les médimnes de blé et les statues des temples de la Sicile. A propos des médimnes de Verrès, j'aurai l'honneur d'apprendre à V. M. que les Scheffel de nos usuriers baissent de prix tous les jours; j'ai dit à tout le monde que l'intention de V. M. était de donner le blé à vingt-deux gros, argent de Brandebourg, quand elle serait de retour à Potsdam. Cela oblige encore les usuriers à baisser le prix de leurs denrées pour les vendre avant votre arrivée.