<71>J'ai reçu une lettre de Voltaire. Il y avait quatre ans qu'il ne m'avait écrit; mais il n'a pu résister à l'envie de savoir ce que je pensais du révérend père Malagrida et des autres jésuites portugais. Que dit V. M. de ces honnêtes gens? L'aventure du roi de Portugala est une belle leçon pour tous les rois, et surtout pour les rois protestants. C'est une chose affreuse que le pape ose soutenir d'infâmes parricides, et qu'un prince cruellement assassiné n'ose pas chasser de ses États les principaux auteurs de son assassinat. Voilà un beau sujet pour faire, sous le nom d'un quaker, un sermon contre toutes les religions qui ont des prêtres. Si je n'étais pas encore incommodé et toujours souffrant de ma jambe, j'aurais déjà donné matière à une nouvelle brochure. J'ai l'honneur, etc.

54. AU MARQUIS D'ARGENS.

(Zuckmantel) 2 mai 1759.

Je reçois ici votre lettre, mon cher marquis, dans un temps où je me croyais toutefois oublié de vous. Les affaires ont été bien pour nous en Bohême, mais rien de décisif n'est arrivé encore. Je suis accouru ici pour accoler de Ville, que j'ai trouvé au moment qu'il rentrait dans les gorges des montagnes. Je n'ai pu lui faire grand mal; on lui a pris prisonnier ou haché en pièces un bataillon de pandours. Ce n'était pas la peine de remuer tant de troupes pour si peu de chose. L'aventure du prince Ferdinand a été malheureuse, et nous met en de grands embarras de ce côté-là. Je retourne aujourd'hui à mon trou, à Landeshut, et, selon toutes les apparences, la campagne


a Le 3 septembre 1758. Voyez t. IV, p. 254, et t. XV, p. 164 et 181.