<85>J'aurais un grand besoin de prendre les eaux minérales à Sans-Souci, si vous vouliez bien me permettre d'y aller pour une quinzaine de jours. Je souhaiterais calfeutrer mon pauvre étui, qui s'en va périssant de tous côtés. Les médecins m'assurent que les eaux et l'exercice me feront grand bien. Je me promène ici en carrosse; mais l'on veut que je marche à pied.

Je n'ai point fait encore paraître la Lettre de M. de Soubise, parce que je la garde pour mes Mémoires des nouvellistes; j'y travaillerai dès que j'aurai fait encore deux Lettres du ministre réfugié. J'ai l'honneur, etc.

62. AU MARQUIS D'ARGENS.

(Reich-Hennersdorf) juin 1759.

Vos deux Lettres, mon cher marquis, valent mieux qu'une bataille gagnée; cela est admirable. J'aurais seulement voulu que vous eussiez été instruit d'une anecdote à l'égard de la seconde : c'est que la France a fait déclarer à la république de Hollande qu'elle avait, à la vérité, intention de faire un débarquement en Angleterre, mais qu'il ne serait point question du prétendant. Cette petite inadvertance peut se corriger facilement, et il n'y a qu'à dire que la France, ne voulant pas nommer le prétendant, de crainte de rendre son entreprise odieuse, ne pouvait pourtant l'entreprendre qu'en sa faveur. Vous vous moquez, mon cher, et de moi, et de mon Bref du pape; le mettre en parallèle avec vos Lettres, c'est comparer une épigramme de Rousseau à l'Énéide de Virgile. Je sais me rendre justice, et mon cerveau glacé du Nord ne peut se comparer en aucune façon avec votre imagination provençale. Les grenouilles d'Aix ont l'esprit plus