<90> certaines occasions n'est ni honteuse, ni préjudiciable. Quel est le prince, le héros qui n'ait pas été forcé de céder quelquefois au torrent des événements? Enfin, Sire, je vous adore, vous le savez. Si vous périssez, votre peuple vous accusera éternellement de son malheur; si vous vivez, de quelque façon que les choses tournent, il vous adorera, car vous seul pouvez le sauver du malheur où il tomberait en vous perdant. Excusez, Sire, la liberté que je prends; mais elle est pardonnable dans un homme qui, s'il avait cent vies au lieu d'une, les donnerait avec plaisir pour vous voir heureux. J'ai l'honneur, etc.

66. DU MÊME.

Berlin, 18 août 1759.



Sire,

Je n'ai point quitté Berlin, ni pensé à le quitter. Tant que je saurai que vous vous portez bien, je n'aurai jamais la moindre crainte, parce que je suis assuré que, malgré les revers qui peuvent vous arriver, dès que vous voudrez conserver votre personne si précieuse à l'État, tôt ou tard les choses, quelque fâcheuses qu'elles paraissent, tourneront heureusement. Songez donc, Sire, sérieusement à ce qu'il arriverait, si vous veniez à périr; je n'ose ici vous en retracer l'affreuse image. Mais, tant que vous vivrez, il faudra à la fin que les affaires prennent une face toute différente de celle qu'elles ont aujourd'hui. Les Anglais tiennent actuellement dans leurs mains la garantie des pays que vos ennemis pensent pouvoir vous enlever, et la paix générale ne peut que vous être favorable, quelques avantages que vos ennemis semblent remporter. Je sens bien qu'il doit vous être sensible de les voir s'avancer et pénétrer dans vos États; mais, puisque toute