<II>fiance du Roi, qui le nomma chambellan et directeur de la classe des belles-lettres dans l'Académie des sciences; il lui conféra aussi pour quelque temps la direction des spectacles de Berlin. Le marquis d'Argens, honoré de toute l'amitié de Frédéric pendant la guerre de sept ans, exprime souvent dans ses lettres la vive satisfaction que lui faisait éprouver cette haute faveur, manifestée à plusieurs reprises de la manière la plus gracieuse.a Après la paix, cependant, l'hypocondrie du marquis et les propos railleurs du Roi refroidirent insensiblement cette intimité, à laquelle le monarque et son ami avaient dû tant de soulagement dans leurs chagrins. Le marquis d'Argens finit par retourner dans son pays en 1768. Mais le sincère attachement qu'il avait pour le Roi fit bientôt renaître en lui le désir d'achever ses jours à Potsdam.b Malheureusement ses maladies l'en empêchèrent, et il mourut à Toulon le 12 janvier 1771. Il avait épousé, le 21 janvier 1749, mademoiselle Barbe Cochois, artiste du théâtre français de Berlin, citée quelquefois dans les Œuvres de Frédéric sous le nom de Babet, et il en avait eu une fille, qu'il déclara son unique enfant légitime le 18 décembre 1769. Il l'avait élevée jusqu'alors dans sa maison sous le nom de sa fille adoptive. Frédéric était fort attaché au marquis, et lui érigea un mausoléec dans l'église des Minimes, à Aix; mais la correspondance du Roi avec cet ami, témoignage éclatant de leur intimité, sera toujours le plus bel hommage rendu à son caractère aussi noble que pur. Frédéric a aussi adressé au marquis d'Argens un plus grand nombre de poésies qu'à aucune autre personne, si l'on en excepte Voltaire, surtout dans les dangers et les soucis de la guerre de sept ans.d


a Voyez ci-dessous, p. e. p. 240, 264, 265 et 423.

b Voyez la dernière lettre de Frédéric au marquis d'Argens, du 7 juillet 1769, et les Anekdoten von Friedrich II, publiées par Frédéric Nicolaï, cahier I, p. 75, et cahier VI, p. 227.

c Frédéric écrit au baron de Grimm, le 16 décembre 1783; « Il est vrai que j'ai fait ériger des monuments à Algarotti et à d'Argens, que j'avais beaucoup aimés, et qui avaient vécu longtemps chez moi » Voyez aussi la lettre de d'Alembert à Frédéric, du 15 décembre 1775, et ci-dessous, p. 482.

d Voyez t. X, p. 101; t. XI, p. 49; t. XII, p. 56, 98, 117, 132, 141, 151, 157, 159, 166, 180, 185, 192, 255, 258; t. XIII, p. 47, 55, 59, 61, 66, 70, 76; et t. XIV, p. 135. Plusieurs de ces pièces sont badines ou satiriques, et il faut y ajouter les deux suivantes, assaisonnées de la plaisanterie la plus piquante : l'Éloge de la paresse, dédié au marquis d'Argens, 1768, et le Mandement de monseigneur l'évêque d'Aix, portant condamnation contre les ouvrages impies du nommé marquis d'Argens, et concluant à sa proscription du royaume, 1766. Voyez t. XV, p. 11-21, et p. 189-194.