<109> affaibli par deux apoplexies; mais se trouvant à Strasbourg, dont il était gouverneur, il parut celui de tous les généraux qui pourrait joindre le plus vite l'armée de Bohême.

Dès son arrivée, le maréchal de Broglie se brouilla avec M. de Belle-Isle. Broglie changea toutes les dispositions de son prédécesseur : il rassembla une masse de troupes, avec lesquelles il se rendit à Pisek. Le Grand-Duc fit mine de l'attaquer : sa tentative fut inutile; Lobkowitz ne réussit pas mieux sur Frauenberg; enfin les Autrichiens, fatigués inutilement, retournèrent à leurs quartiers. Les Français, qui aimaient leurs commodités, trouvaient fort à redire de ce que les ennemis les inquiétassent si souvent : ils auraient bien voulu que les Prussiens se missent en avant pour les couvrir; mais il aurait fallu être imbécile pour souscrire à de telles prétentions. M. de Valori, qui était ministre de la France à Berlin, s'exhalait en plaintes : il prétendait que les Allemands, qui n'étaient bons qu'à se battre, devaient ferrailler contre les Autrichiens, pour donner du repos aux Français, qui leur étaient supérieurs en toute chose. On l'écouta tranquillement, et à la fin il se lassa de ses vaines importunités.

Tant de puissances qui s'étaient alliées contre la maison d'Autriche, et qui voulaient se partager ses dépouilles, avaient excité la cupidité de princes qui jusqu'alors s'étaient tenus tranquilles. L'Espagne ne voulut pas demeurer oisive, tandis que tout le monde pensait à son agrandissement. La reine d'Espagne, qui était Parmesane, forma des prétentions sur cette principauté, et sur celle de Plaisance, qu'elle appelait son cotillon, pour y établir son second fils Don Philippe. Elle fit passer vingt mille Espagnols sous les ordres de M. de Montemar par le royaume de Naples, en même temps que Don Philippe, avec un autre corps, passait par le Dauphiné et la Savoie pour pénétrer en Lombardie. Ainsi un feu qui, dans son origine, ne parut qu'une étincelle en Silésie, se communiqua de proche en proche, et causa bientôt en Europe un embrasement universel.