<11> vingt-quatre escadrons, à cent têtes; ce qui fait le nombre de cent trente mille quatre cents combattants, outre trente-six mille hommes de milice. Sa marine était considérable; elle pouvait mettre quatre-vingts vaisseaux de différent rang en mer, y compris les frégates; et pour le service de cette flotte, on comptait jusqu'à soixante mille matelots enclassés. Les revenus du royaume montaient, l'année 1740, à soixante millions d'écus, dont on décomptait dix millions affectés au payement des intérêts des dettes de la couronne qui venaient encore de la guerre de succession. Le cardinal de Fleury appelait les fermiers généraux qui étaient à la tête de cette recette, les quarante colonnes de l'État, parce qu'il envisageait la richesse de ces traitants comme la ressource la plus sûre du royaume. L'espèce d'hommes la plus utile à la société, qu'on appelle le peuple et qui cultive les terres, était pauvre et obérée, surtout dans les provinces qu'on appelle de conquête. En revanche, le luxe et l'opulence de Paris égalait peut-être la somptuosité de l'ancienne Rome du temps de Lucullus. On comptait pour plus de dix millions d'argent orfévré, dans les maisons des particuliers de cette capitale immense. Mais les mœurs étaient dégénérées : les Français surtout habitants de Paris, étaient devenus des Sybarites amollis par la volupté et la mollesse.

Les épargnes que le Cardinal avait faites pendant son administration, furent absorbées en partie par la guerre de 1733, et en partie par la disette affreuse de l'année 1740, qui ruina les plus florissantes provinces du royaume. Des maux que Law avait faits à la France il avait résulté une espèce de bien, consistant dans la compagnie du Sud, établie au port de L'Orient; mais la supériorité des flottes anglaises ruinant à chaque guerre ce commerce, que la marine guerrière de la France ne pouvait pas protéger suffisamment, cette compagnie ne put pas à la longue se soutenir. Telle était la situation de la France l'année 1740 : respectée au dehors, pleine d'abus dans son intérieur, sous le gouvernement d'un prince faible qui