<139> M. de Königsegg, qui s'aperçut que par l'abandon de la cavalerie le régiment de Léopold n'était plus appuyé de rien, dirigea tous les efforts de son infanterie de ce côté-là. Ce régiment fut contraint de reculer : l'ennemi profita de ce mouvement pour mettre le feu au village de Chotusitz; en quoi il commit une grande sottise, parce qu'il ne faut pas embraser un village qu'on veut prendre, puisque les flammes vous empêchent d'y entrer; mais il est prudent de mettre le feu à un village qu'on abandonne, pour empêcher l'ennemi de vous poursuivre. Le régiment de Schwerin, qui s'aperçut à temps de cet incendie, abandonna le village, et forma le flanc de la gauche : ce feu forma comme une barrière, qui empêcha les deux armées de s'assaillir de ce côté. Cela n'empêcha pas l'ennemi d'attaquer la gauche des Prussiens à la droite du village; entre autres le régiment de Giulay, infanterie hongroise, voulut entrer le sabre à la main dans cette ligne; cette expérience lui réussit si mal, que soldats et officiers, de même que le régiment de Léopold Daun, étaient couchés devant les bataillons prussiens comme s'ils avaient mis les armes bas : tant le fusil, bien manié, est devenu une arme redoutable. Le Roi saisit ce moment pour porter avec promptitude sur le flanc gauche de l'infanterie autrichienne. Ce mouvement décida la victoire; les ennemis se rejetèrent sur leur droite, où ils se trouvèrent acculés à la Dobrawa; ils s'étaient engagés dans un terrain où ils ne pouvaient combattre, ce qui rendit leur confusion générale. Toute la campagne fut couverte de fuyards; le maréchal de Buddenbrock les talonna vivement dans leur déroute : il les poursuivit avec quarante escadrons, soutenus de dix bataillons, jusqu'à un mille du champ de bataille.

Les trophées des Prussiens consistèrent en dix-huit canons et deux drapeaux; ils firent mille deux cents prisonniers. Quoique cette affaire n'ait pas été des plus considérables, l'ennemi y perdit quantité d'officiers; et si l'on voulait évaluer leur perte en comptant morts, prisonniers, blessés et déserteurs, on pourrait la faire monter, sans