<14>Alors l'Espagne était en guerre avec l'Angleterre, qui protégeait des contrebandiers : deux oreilles anglaises coupées à un matelot de cette nation allumèrent ce feu, et les armements coûtèrent des sommes immenses aux deux nations; leur commerce en souffrit, et, comme de coutume, les marchands et les particuliers expièrent les sottises des grands. Le cardinal de Fleury n'était pas mécontent de cette guerre; il s'attendait bien à jouer le rôle de médiateur ou d'arbitre, pour augmenter les avantages du commerce de la France.

Le Portugal ne figurait point en Europe. Don Juan n'était connu que par sa passion bizarre pour les cérémonies de l'Eglise. Il avait obtenu par un bref du pape le droit d'avoir un patriarche, et, par un autre bref, de dire la messe, à la consécration près. Ses plaisirs étaient des fonctions sacerdotales; ses bâtiments, des couvents; ses armées, des moines, et ses maîtresses, des religieuses.

De toutes les nations de l'Europe, l'anglaise était la plus opulente : son commerce embrassait tout le monde; ses richesses étaient excessives, ses ressources, presque inépuisables; et, pourvue de tous ces avantages, elle ne tenait pas entre les puissances le rang qui semblait lui convenir.

George II, électeur de Hanovre, gouvernait alors l'Angleterre. Il avait des vertus, du génie, mais les passions vives à l'excès; ferme dans ses résolutions, plus avare qu'économe, capable de travail, incapable de patience, violent, brave, mais gouvernant l'Angleterre par les intérêts de l'Électorat, et trop peu maître de lui-même pour diriger une nation qui fait son idole de sa liberté.

Ce prince avait pour ministre le chevalier Robert Walpole. Il captivait le Roi en lui faisant des épargnes de la liste civile, dont George grossissait son trésor de Hanovre; il maniait l'esprit de la nation par les charges et les pensions qu'il distribuait à propos pour gagner la supériorité des membres du parlement; son génie ne s'étendait pas au delà de l'Angleterre : il s'en remettait pour les affaires