<24>rine considérable, et parvint à faire respecter sa nation et ses talents singuliers à l'Europe entière.

Anne Iwanowna,2 nièce de Pierre Ier, gouvernait alors ce vaste empire : elle avait succédé à Pierre II, fils du premier empereur. Le règne d'Anne fut marqué par une foule d'événements mémorables, et par quelques grands hommes, dont elle eut l'habileté de se servir; ses armes donnèrent un roi à la Pologne. Elle envoya,3 au secours de l'empereur Charles VI, dix mille Russes au bord du Rhin, pays où cette nation avait été peu connue. La guerre qu'elle fit aux Turcs, fut un cours de prospérités et de triomphes; et lorsque l'empereur Charles VI envoyait solliciter la paix jusqu'au camp des Turcs, elle dictait des lois à l'empire ottoman. Elle protégea les sciences dans sa résidence; elle envoya même des savants à Kamtschatka, pour trouver une route plus abrégée qui favorisât le commerce des Moscovites avec les Chinois. Cette princesse avait des qualités qui la rendaient digne du rang qu'elle occupait : elle avait de l'élévation dans l'âme, de la fermeté dans l'esprit; libérale dans ses récompenses, sévère dans ses châtiments, bonne par tempérament, voluptueuse sans désordre.

Elle avait fait duc de Courlande Biron, son favori et son ministre. Les gentilshommes ses compatriotes lui disputaient jusqu'à l'ancienneté de sa noblesse. Il était le seul qui eût un ascendant marqué sur l'esprit de l'Impératrice; il était, de son naturel, vain, grossier et cruel, mais ferme dans les affaires, ne se refusant point aux entreprises les plus vastes. Son ambition voulait porter le nom de sa maîtresse jusques au bout du monde; d'ailleurs aussi avare pour amasser, que prodigue en ses dépenses; ayant quelques qualités utiles, sans en avoir de bonnes ni d'agréables.

L'expérience avait formé sous le règne de Pierre Ier un homme fait pour soutenir le poids du gouvernement sous les successeurs de


2 1740.

3 1735.