<25> ce prince. C'était le comte d'Ostermann; il conduisit en pilote habile, dans l'orage des révolutions, le gouvernail de l'État d'une main toujours sûre. Il était originaire du comté de la Mark en Westphalie, d'une extraction obscure; mais les talents sont distribués par la nature sans égard aux généalogies. Ce ministre connaissait la Moscovie, comme Verney, le corps humain; circonspect ou hardi, selon que le demandaient les circonstances, et renonçant aux intrigues de la cour pour se conserver la direction des affaires. On pouvait compter, outre le comte Ostermann, le comte Löwenwolde et le vieux comte Golowkin du nombre des ministres dont la Russie pouvait tirer parti.

Le comte de Münnich, qui du service de Saxe avait passé à celui de Pierre Ier, était à la tête de l'armée russe. C'était le prince Eugène des Moscovites; il avait les vertus et les vices des grands généraux : habile, entreprenant, heureux; mais fier, superbe, ambitieux, et quelquefois trop despotique, et sacrifiant la vie de ses soldats à sa réputation. Lacy, Keith, Lowendal, et d'autres habiles généraux, se formaient dans son école. Le gouvernement entretenait alors dix mille hommes de gardes; cent bataillons, qui faisaient le nombre de soixante mille hommes; vingt mille dragons; deux mille cuirassiers; ce qui montait au nombre de quatre-vingt-douze mille hommes de troupes réglées; trente mille de milice, et autant de Cosaques, de Tartares et de Calmouks qu'on voulait assembler : de sorte que cette puissance pouvait mettre, sans faire d'efforts, cent soixante-dix mille hommes en campagne. La flotte russienne était évaluée alors à douze vaisseaux de ligne, vingt-six vaisseaux d'un ordre inférieur, et quarante galères.

Les revenus de l'empire montaient à quatorze ou quinze millions d'écus. La somme paraît modique, en la comparant à son étendue immense; mais tout y est à bon marché. La denrée la plus nécessaire aux souverains, les soldats, ne coûtent pas pour leur entretien la