<30> pour se soutenir. C'était l'homme de ce siècle qui avait le plus d'habits, de montres, de dentelles, de bottes, de souliers et de pantoufles : César l'aurait rangé dans le nombre des têtes si bien frisées et si bien parfumées qu'il ne craignait guère. Il fallait un prince tel qu'Auguste II, pour qu'un homme du genre de Brühl pût jouer le rôle de premier ministre.

Les généraux saxons n'étaient pas les premiers hommes de guerre qu'il y eût en Europe. Le duc de Weissenfels avait de la valeur, mais pas assez de génie. Rutowski, bâtard du roi Auguste Ier, s'était distingué à l'affaire du Timoc; mais il était trop épicurien et trop indolent pour le commandement. La Saxe avait quelques gens d'esprit, que la jalousie de Brühl éloignait des affaires; cette cour était bien servie par ses espions, et mal par ses ministres. Elle était si fort dépendante de la Russie, qu'elle n'osait contracter d'engagement sans la permission de cette puissance; alors la Russie, la cour de Vienne, l'Angleterre et la Saxe étaient alliées.

La Saxe est une des provinces les plus opulentes de l'Allemagne : elle doit cet avantage à la bonté de son sol, et à l'industrie de ses sujets, qui rendent leurs fabriques florissantes. Le souverain en retirait six millions de revenus, dont on décomptait un million cinq cent mille écus employés à l'acquit des dettes auxquelles les deux élections de Pologne avaient donné lieu. L'Électeur entretenait vingt-quatre mille hommes de troupes réglées, et le pays pouvait encore lui fournir une milice de huit mille hommes.

Après l'électeur de Saxe, l'électeur de Bavière est un des plus puissants princes d'Allemagne. Charles régnait alors. Son père, Maximilien, embrassa le parti de la France dans la guerre de succession, et perdit avec la bataille de Höchstädt ses États et ses enfants; Charles même fut élevé à Vienne dans la captivité. Ce prince, en succédant à son père, ne trouva que des malheurs à réparer. Il était doux, bienfaisant, peut-être trop facile. Le comte Törring était à la fois son