<34> que ne s'écartant jamais des principes de la modération, ils se sont toujours conservés indépendants par leur sagesse. Cette république peut rassembler sans effort cent mille hommes pour sa défense, et elle a accumulé assez de richesses pour soudoyer pendant trois années ce nombre de ses défenseurs. Tant d'arrangements sages et estimables semblent avilis par l'usage barbare de vendre leurs sujets à qui veut les payer : d'où il résulte que les Suisses d'un même canton au service de France font la guerre à leurs proches au service de Hollande; mais qu'y a-t-il de parfait au monde?

Si de là nous descendons en Italie, nous trouvons cet ancien empire romain divisé en autant de parties que l'ambition des princes a pu la démembrer. La Lombardie est partagée entre les Vénitiens, les Autrichiens, les Savoyards et les Génois. De ces possessions, celles du roi de Sardaigne paraissent les plus considérables. Victor-Amédéea sortait alors de la guerre qu'il avait soutenue contre la maison d'Autriche, par laquelle il avait écorné une partie du Milanais. Ses États lui rapportaient environ cinq millions de revenus, avec lesquels il entretenait en temps de paix trente mille hommes, qu'il pouvait augmenter à quarante mille en temps de guerre. Victor-Amédéea passait en Italie, parmi les connaisseurs, pour un prince versé dans la politique, et bien éclairé sur ses intérêts. Son ministre, le marquis d'Ormea, avait la réputation de n'avoir pas mal profité dans l'école de Machiavel. La politique de cet État consistait à tenir la balance entre la maison d'Autriche et les deux branches de la maison de Bourbon, afin de se ménager par cet équilibre les moyens d'étendre et d'augmenter ses possessions. Charles-Emmanuelb avait souvent dit : « Mon fils, le Milanais est comme un artichaut; il faut le manger feuille par feuille. » Dans ce temps, le roi de Sardaigne, indisposé contre les Bourbons de la paix de 1737 que le cardinal


a Charles-Emmanuel.

b Victor-Amédée.