<5> dit que le seul moyen de l'assurer, était d'entretenir cent quatre-vingt mille hommes, et qu'il indiquerait les fonds pour le payement de cette augmentation, si l'Empereur y voulait consentir. Le génie de l'Empereur, subjugué par celui d'Eugène, n'osait rien lui refuser : l'augmentation de quarante mille hommes fut résolue, et bientôt l'armée se trouva complète. Les comtes de Sinzendorff et de Starhemberg, ennemis du prince Eugène, représentèrent à l'Empereur que ses pays, foulés par des contributions énormes, ne pouvaient suffire à l'entretien d'une si grosse armée, et qu'à moins de vouloir ruiner de fond en comble l'Autriche, la Bohême et les autres provinces, il fallait réformer l'augmentation. Charles VI, qui ne connaissait rien aux finances non plus qu'au pays qu'il gouvernait, se laissa entraîner par ses ministres, et licencia ces quarante mille hommes nouvellement levés, à la veille du décès d'Auguste Ier, roi de Pologne.a

Deux candidats se présentèrent pour occuper ce trône vacant. L'un, c'était Auguste, électeur de Saxe, fils du dernier roi de Pologne, soutenu par l'empereur des Romains, l'impératrice de Russie, l'argent et les troupes saxonnes. L'autre était Stanislas Leszczynski, appelé par les vœux des Polonais, et protégé par Louis XV, son beau-fils; mais le secours qu'il tira de la France se réduisit à quatre bataillons. Il vit la Pologne; il fut assiégé à Danzig; il ne put s'y maintenir, et renonça pour la seconde fois au triste honneur de porter le nom de roi dans une république où régnait l'anarchie.

Le comte de Sinzendorff comptait si fort sur l'esprit pacifique du cardinal de Fleury, qu'il engagea légèrement sa cour dans les troubles de la Pologne. Le plaisir de donner la couronne de Pologne, coûta à l'Empereur trois royaumes et quelques belles provinces. Déjà les Français avaient passé le Rhin, déjà ils assiégeaient Kehl, qu'à Vienne on


a Comme électeur de Saxe, il est nommé Frédéric-Auguste Ier; mais les Polonais le désignent sous le nom d'Auguste II. Il mourut le 1er février 1733. Son successeur s'appelait en Saxe Frédéric-Auguste II; en Pologne, Auguste III. Dans ce volume, celui-là est quelquefois nommé Auguste Ier, celui-ci, Auguste II.