<61> projet remplissait toutes ses vues politiques; c'était un moyen d'acquérir de la réputation, d'augmenter la puissance de l'État, et de terminer ce qui regardait cette succession litigieuse du duché de Berg. Cependant, avant que de se déterminer entièrement, le Roi mit en balance les risques qu'il y avait à courir en entreprenant une pareille guerre, et de l'autre, les avantages qu'il y avait à espérer.

D'un côté se présentait la puissante maison d'Autriche, qui ne pouvait pas manquer de ressources avec tant de vastes provinces; une fille d'Empereur attaquée, qui devait trouver des alliés dans le roi d'Angleterre, dans la république de Hollande, et dans la plupart des princes de l'Empire qui avaient garanti la pragmatique sanction. Ce duc de Courlande qui gouvernait alors la Russie, était aux gages de la cour de Vienne; et de plus la jeune reine de Hongrie pouvait mettre la Saxe dans ses intérêts, en lui cédant quelques cercles de la Bohême; et quant au détail de l'exécution, la stérilité de l'année 1740 devait faire craindre qu'on manquât de moyens pour former des magasins et fournir des vivres aux troupes. Les risques étaient grands; il fallait craindre la vicissitude des armes : une bataille perdue pouvait être décisive. Le Roi n'avait point d'alliés, et il ne pouvait opposer que des troupes sans expérience à de vieux soldats autrichiens blanchis sous le harnois, et aguerris par tant de campagnes.

D'autre part, une foule de réflexions ranimaient les espérances du Roi. La situation de la cour de Vienne après la mort de l'Empereur, était des plus fâcheuses : les finances étaient dérangées; l'armée était délabrée, et découragée par les mauvais succès qu'elle avait eus contre les Turcs; le ministère, désuni; avec cela placez à la tête de ce gouvernement une jeune princesse sans expérience, qui doit défendre une succession litigieuse, et il en résulte que ce gouvernement ne devait pas paraître redoutable. D'ailleurs il était impossible que le Roi manquât d'alliés. La rivalité qui subsistait entre la France et l'Angleterre, assurait nécessairement au Roi une de ces deux puissances;