<XXIII> mettant pour l'ordinaire l'égalité des forces entre les parties belligérantes, tout ce que les princes peuvent attendre de leurs plus grands avantages dans le temps où nous vivons, c'est d'acquérir par des succès accumulés, ou quelque petite ville sur les frontières, ou une banlieue qui ne rapporte pas les intérêts des dépenses de la guerre, et dont la population n'approche pas du nombre des citoyens péris dans les campagnes.

Quiconque a des entrailles et envisage ces objets de sang-froid, doit être ému des maux que les hommes d'État causent aux peuples, manque d'y réfléchir, ou bien entraînés par leurs passions. La raison nous prescrit une règle sur ce sujet, dont ce me semble aucun homme d'État ne doit s'écarter : c'est de saisir l'occasion, et d'entreprendre lorsqu'elle est favorable, mais de ne point la forcer en abandonnant tout au hasard. Il y a des moments qui demandent qu'on mette toute son activité en jeu pour profiter; mais il y en a d'autres où la prudence demande qu'on reste dans l'inaction. Cette matière exige la plus profonde réflexion, parce que non seulement il faut bien examiner l'état des choses, mais qu'il faut encore prévoir toutes les suites d'une entreprise, et peser les moyens que l'on a avec ceux de ses ennemis, pour juger lesquels l'emportent dans la balance. Si la raison n'y décide pas seule, et que la passion s'en mêle, il est impossible que d'heureux succès suivent une pareille entreprise : la politique demande de la patience; et le chef-d'œuvre d'un homme habile est de faire chaque chose en son temps et à propos. L'histoire ne nous fournit que trop d'exemples de guerres légèrement entreprises : il n'y a qu'à se