12. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Breslau, 9 janvier 1759.

Je ne suis pas aussi riche que vous le pensez, mon cher ami; mais, à force d'industrie et de ressources, j'ai trouvé mes fonds pour la campagne prochaine, de manière que tout sera exactement payé d'ici à la fin de février. J'ai partagé avec vous et une couple d'amis ce qui restait à ma disposition; ainsi vous devez plutôt me comparer au pauvre Irus qu'à l'opulent Crésus.

Je vous remercie de votre réponse aux Réflexions militaires que je vous ai envoyées. Je pense comme vous; mais il ne faut sonner mot de tout ceci.

Les Turcs remuent; ils ne resteront pas longtemps les bras croisés. Le roi d'Espagne est mourant. Voilà de l'occupation pour ces lâches conjurés qui travaillent à me nuire.

Si les gens qui ne portent point de chapeaux se tournent vers les barbares, toute cette horde disparaîtra, et la Suède quittera par conséquent la partie; s'ils se tournent vers nos insolents voisins, ils ne pourront pas s'opposer vigoureusement à moi et aux circoncis en<134> même temps; et si par-dessus tout cela le roi d'Espagne meurt, la guerre s'allumera aussitôt en Italie, et nos fous et étourdis compatriotes seront obligés de se brouiller avec leurs insolents et fiers tyrans.

Tout cela empêche de former à présent un plan d'opérations. Il faut que le temps nous révèle ce qui doit arriver, et que l'on voie les mesures que prendront nos ennemis; alors on pourra se déterminer sur ce qu'il sera convenable de faire. Adieu, mon cher ami; je vous souhaite santé et prospérité dans cette nouvelle année. Je vous embrasse de tout mon cœur, en vous assurant de ma tendresse et de mon estime, qui ne finiront qu'avec ma vie.