31. AU BARON DE L. M. FOUQUÉ.

Le 27 avril 1764.

Je suis charmé de l'aveu que vous me faites, mon cher ami, de la bonté de ma porcelaine. Nous attendons que le grand bâtiment soit achevé pour travailler en grand. Cela ne peut avoir lieu qu'à la Pentecôte; alors il faut établir les dix grands fours pour la cuisson de la porcelaine, de sorte que l'ouvrage ne pourra être véritablement en train que vers le milieu de septembre. On a déjà fait de grandes pièces dans les deux fourneaux que nous avons, qui ont fort bien réussi; mais nous avons des commissions pour la Russie et la Hollande, auxquelles on travaille incessamment pour les expédier. J'entretiens actuellement cinq cent sept personnes à cet ouvrage. Il n'y a que les fours qui nous arrêtent; mais au mois de septembre cet obstacle sera levé.

Vous vous imaginez, mon cher, que je suis encore aussi vif qu'autrefois; mais vous vous trompez. J'ai mis de l'eau dans mon vin, et je corrige à la vérité ce qu'il y a de défectueux dans la partie de l'exercice, mais sans sortir de mon assiette ordinaire. Ce qui<148> regarde le commun soldat sera l'année prochaine en ordre aussi bien qu'avant la guerre. Pour ce qui regarde l'officier, c'est où porte ma plus grande attention; pour qu'ils deviennent ensuite vigilants dans le service, et qu'ils se forment le jugement, je leur fais enseigner la fortification, et avec cela on tâche de les obliger à raisonner sur tout ce qu'ils ont à faire. Vous comprenez bien que cette méthode ne saurait réussir en général; mais dans le grand nombre nous formerons des sujets et des officiers qui ne seront pas généraux par brevet, et qui en auront vraiment les qualités.

Adieu, mon cher ami; je vous manderai quand je pourrai venir à Brandebourg. Je vous embrasse de tout mon cœur.