<10> aux hommes des vérités neuves et touchantes ne méritent guère d'être lus. Vous sentez qu'il n'y aurait rien de plus méprisable que de passer sa vie à renfermer dans des rimes des lieux communs usés, qui ne méritent pas le nom de pensées. S'il y a quelque chose de plus vil, c'est de n'être que poëte satirique et de n'écrire que pour décrier les autres. Ces poëtes sont au Parnasse ce que sont dans les écoles ces docteurs qui ne savent que des mots, et qui cabalent contre ceux qui écrivent des choses.

Si la Henriade a pu ne pas déplaire à V. A. R., j'en dois rendre grâce à cet amour du vrai, à cette horreur que mon poëme inspire pour les factieux, pour les persécuteurs, pour les superstitieux, pour les tyrans et pour les rebelles. C'est l'ouvrage d'un honnête homme; il devait trouver grâce devant un prince philosophe.

Vous m'ordonnez de vous envoyer mes autres ouvrages. Je vous obéirai, monseigneur; vous serez mon juge, et vous me tiendrez lieu du public. Je vous soumettrai ce que j'ai hasardé en philosophie; vos lumières seront ma récompense; c'est un prix que peu de souverains peuvent donner. Je suis sûr de votre secret; votre vertu doit égaler vos connaissances.

Je regarderais comme un bonheur bien précieux celui de venir faire ma cour à V. A. R. On va à Rome pour voir des églises, des tableaux, des ruines et des bas-reliefs. Un prince tel que vous mérite bien mieux un voyage; c'est une rareté plus merveilleuse. Mais l'amitié, qui me retient dans la retraite où je suis, ne me permet pas d'en sortir. Vous pensez sans doute comme Julien, ce grand homme si calomnié, qui disait que les amis doivent toujours être préférés aux rois.

Dans quelque coin du monde que j'achève ma vie, soyez sûr, monseigneur, que je ferai continuellement des vœux pour vous, c'est-à-dire, pour le bonheur de tout un peuple. Mon cœur sera au rang de vos sujets; votre gloire me sera toujours chère. Je souhai-