<101> Ne vous attendez donc à aucun reproche. Je vous prie de vouloir seulement dire à la divine Émilie que mon esprit se plaint au sien des ténèbres qu'elle vous empêche de dissiper.

Dans les ténèbres égaré
D'une métaphysique obscure,
J'attendais, pour être éclairé,
Quelques mots de votre écriture.
De l'astre brillant qui nous luit,
Charmante et divine Émilie,
Voulez-vous tirer tout le fruit?
Ah! permettez, je vous en prie,
Que dans mon paisible réduita
Vienne cette philosophie,
Dont certes je ferai profit.

Je suis édifié de voir revivre à Cirey les temps d'Oreste et de Pylade. Vous donnez l'exemple d'une vertu qui, jusqu'à nos jours, n'a malheureusement existé que dans la Fable.

Ne craignez point, monsieur, que je trouble les douceurs de votre repos philosophique. Si mes mains pouvaient cimenter ou raffermir les liens de votre divine union, je vous offrirais volontiers leur ministère. J'ai essuyé une espèce de naufrage dans ma vie;b le ciel me préserve d'en occasionner à d'autres!

Je crois cependant avoir trouvé un expédient moyennant lequel vous pourrez sans risque, et sans troubler la tranquillité d'Émilie, satisfaire à ma curiosité. Ce serait, monsieur, de me communiquer, toutes les fois que vous me faites le plaisir de m'écrire, quelques traits de votre Métaphysique, répandus dans vos lettres. La confiance que


a Après ce vers on lit dans les Œuvres posthumes, t. VIII, p. 307, celui-ci :
     

Éloigné du monde et du bruit,

qui manque dans l'édition de Kehl.

b Allusion aux chagrins domestiques que Frédéric eut en 1730, et dont il parle dans la Vie de son père, mais avec les plus grands ménagements. Voyez t. I, p. 201. Voyez aussi Friedrichs des Grossen Jugend und Thronbesteigung, par J.-D.-E. Preuss, p. 73-121.