<163>Qui nous a dit, continueront-ils, que ce ne serait pas une assez grande satisfaction pour Dieu de voir comment tant d'êtres libres, qu'il a créés dans tant de globes, agissent librement? Ce plaisir, toujours nouveau, de voir comment ses créatures se servent à tous moments des instruments qu'il leur a donnés, ne vaut-il pas bien cette éternelle et oisive contemplation de soi-même, assez incompatible avec les occupations extérieures qu'on lui donne?

On objecte à ces raisonneurs-là que Dieu voit en un instant l'avenir, le passé et le présent; que l'éternité est instantanée pour lui. Mais ils répondront qu'ils n'entendent pas ce langage, et qu'une éternité qui est un instant leur paraît aussi absurde qu'une immensité qui n'est qu'un point.

Ne pourrait-on pas, sans être aussi hardi qu'eux, dire que Dieu prévoit nos actions libres, à peu près comme un homme d'esprit prévoit le parti que prendra, dans une telle occasion, un homme dont il connaît le caractère? La différence sera qu'un homme prévoit à tort et à travers, et que Dieu prévoit avec une sagacité infinie. C'est le sentiment de Clarke.

J'avoue que tout cela me paraît très-hasardé, et que c'est un aveu, plutôt qu'une solution, de la difficulté. J'avoue enfin, monseigneur, qu'on fait contre la liberté d'excellentes objections; mais on en fait d'aussi bonnes contre l'existence de Dieu; et comme, malgré les difficultés extrêmes contre la création et la Providence, je crois néanmoins la création et la Providence, aussi je me crois libre (jusqu'à un certain point, s'entend) malgré les puissantes objections que vous me faites.

Je crois donc écrire à V. A. R., non pas comme à un automate créé pour être à la tête de quelques milliers de marionnettes humaines, mais comme à un être des plus libres et des plus sages que Dieu ait jamais daigné créer.

Permettez-moi ici une réflexion, monseigneur. Sur vingt hommes,