<250> crasseuse bassesse leur misérable théologie; que nos descendants ignorent à jamais les puériles sottises de la foi, du culte et des cérémonies des prêtres et des religieux. Les brillantes fleurs de la poésie sont prostituées lorsqu'on les fait servir de parure et d'ornement à l'erreur; et le pinceau qui vient de peindre les hommes doit effacer la Loyolade.a

Je vous suis très-obligé et redevable à l'infini de la peine que vous vous donnez de corriger mes fautes. J'ai une attention extrême sur toutes celles que vous me faites apercevoir, et j'espère de me rendre de plus en plus digne de mon ami et de mon maître dans l'art de penser et d'écrire.

Point de comparaison, je vous prie, de vos ouvrages aux miens. Vous marchez d'un pas ferme par des routes difficiles, et moi, je rampe par des sentiers battus. Dès que je serai de retour chez moi, ce qui pourra être à la fin de ce mois, Césarion et Jordan voleront sur votre Épître sur l'Homme, et je vous garantis d'avance de leurs suffrages. Quant à sapientissimus Wolffius, je ne le connais en aucune manière, ne lui ayant jamais parlé ni écrit;b et je crois, comme vous, que la langue française n'est pas son fort.

Vôtre imagination, mon cher ami, nous rend conquérants à bon marché; aussi soyez persuadé que nous en aurons toute l'obligation à votre générosité. Je sais bien que si de ma vie j'allais à Cirey, ce ne serait pas pour l'assiéger. Votre éloquence, plus forte que les instruments destructeurs de Jéricho, ferait tomber les armes de mes mains. Je n'ai d'autres droits sur Cirey que ceux que doit payer la reconnaissance à une amitié désintéressée. Nouveau Jason, j'enlèverais la toison d'or; mais j'enlèverais en même temps le dragon qui garde ce trésor; gare madame la marquise!


a Allusion au passage du septième Discours sur l'Homme mentionné plus haut, p. 225.

b La première lettre de Frédéric à Chrétien Wolff est datée du 23 mai 1740. Voyez t. XVI, p. 195.