<307> ce qu'elle m'a si souvent daigné dire : Conservez-vous, travaillez moins. Vous le disiez, monseigneur, à un homme dont la conservation est inutile au monde; et moi, je le dis à celui dont le bonheur des hommes doit dépendre. Est-il possible, monseigneur, que votre accident ait eu de telles suites? J'ai eu l'honneur d'écrire à V. A. R. par M. Plötz; j'ai écrit aussi en droiture; hélas! je ne puis être au nombre de ceux qui veillent auprès de votre personne. Nisus et Euryalus amuseront peut-être plus votre convalescence que ne feraient des calculs. Je ne m'étonne pas que le héros de l'amitié ait choisi un tel sujet; j'en attends les premières scènes avec impatience. Scipion, César, Auguste, firent des tragédies; cur non Federicus?

V. A. R. me fait trop d'honneur, elle oppose trop de bonté à mes malheurs; j'ai fait tant de changements à la Henriade, que je suis obligé de lui envoyer l'ouvrage tout entier, avec les corrections. Si elle ordonne la voie par laquelle il faut lui faire tenir l'ouvrage qu'elle protége, elle sera obéie. Je suis trop heureux, malgré mes ennemis; je la remercie mille fois, et tout ce que vous daignez me dire pénètre mon cœur. Que je bavarderais, si ma déplorable santé me permettait d'écrire davantage! Je suis à vos pieds, monseigneur. Je ne respire guère; mais c'est pour Émilie et pour mon dieu tutélaire.

Je suis avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance, etc.

81. A VOLTAIRE.

Remusberg, 8 mars 1739.

Mon cher ami, depuis la dernière lettre que je vous ai écrite, ma santé a été si languissante, que je n'ai pu travailler à quoi que ce pût