<387>Des beaux esprits et des docteurs.
O toi, le fils chéri des Grâces,
L'organe de la vérité!
Toi, qui vois naître sur tes traces
L'indépendante liberté!
Ne permets point que ta sagesse,
Craignant l'orage et les hasards,
Préfère à l'instinct qui te presse
L'indolente et molle paresse

Et des Gressets, et des Bernards.
Quand même la bise cruelle
De son souffle viendrait faner
Les fleurs, production nouvelle,
Dont Flore peut se couronner,
Le jardinier toujours fidèle,
Loin de se laisser rebuter,
Va de nouveau pour cultiver
Une fleur plus tendre et plus belle.

C'est ainsi qu'il faut réparer
Le dégât que cause l'orage;
Voltaire, achève ton ouvrage,
C'est le moyen de te venger.

Le conseil vous paraîtra intéressé; j'avoue qu'il l'est effectivement, car j'ai trouvé un plaisir infini à la lecture de l'Histoire de Louis XIV, et je désire beaucoup de la voir achevée. Cet ouvrage vous fera plus d'honneur, un jour, que la persécution que vous souffrez ne vous cause de chagrin. Il ne faut pas se rebuter si aisément. Un homme de votre ordre doit penser que l'Histoire de Louis XIV imparfaite est une banqueroute dans la république des lettres. Souvenez-vous de César, qui, nageant dans les flots de la mer, tenait ses Commentaires d'une main sur sa tête, pour les conserver à la postérité.a

Comme vous parlez de mes faibles productions, après n'avoir dit


a Plutarque, Vie de Jules César, chap. XLIX, et Suétone, même sujet, chap. LXIV, parlent tous deux de papiers, sans mentionner expressément les Commentaires.