<397>Madame la marquise du Châtelet vous fait bien sa cour. Elle abrége tout Wolffius; c'est mettre l'univers en petit.

J'aime mieux voir le monde dans une sphère de deux pieds de diamètre que de voyager de Paris à Quito et à Pékin.

Ma mauvaise santé ne m'a pas permis d'achever encore le précis de la métaphysique de Newton, et les nouveaux Éléments où je travaille. Je souffre les trois quarts du jour, et l'autre quart je fais bien peu de besogne. Dès que je serai quitte de cette métaphysique, et que j'aurai un peu de relâche à mes maux, soyez très-sûr, monseigneur, que j'obéirai à vos ordres, et que j'achèverai le Siècle de Louis XIV; il me plaît en ce qu'il a quelque air de celui que vous ferez naître. Pour le siècle du cardinal, je n'y toucherai pas. C'est assez qu'il vive un siècle entier. Il n'y a pas longtemps qu'un neveu de Chauvelin écrivit à cet ambitieux solitaire que notre cardinal dépérissait, et qu'il mettait du rouge pour cacher le livide de son teint. Le cardinal, qui le sut, fit frotter ses joues par ce neveu, et lui montra que son rouge venait de sa santé.

La malheureuse goutte ne quittera-t-elle point M. de Keyserlingk? Je suis, etc.

112. A VOLTAIRE.

Berlin, 26 février 1740.

Mon cher Voltaire, je ne puis répondre qu'en deux mots à la lettre la plus spirituelle du monde, que vous m'avez écrite. La situation où je me trouve me rétrécit si fort l'esprit, que je perds presque la faculté de penser.