<43>

Recevez ma couronne,
Le prix de ma valeur;
Je la tiens de Bellone,
Tenez-la de mon cœur.

Voilà des modèles d'hommes et de rois; et vous les surpasserez. M. de Borcke a ému mon cœur par tout ce qu'il m'a dit de V. A. R.; mais il ne m'a rien appris.

Vous sentez bien, monseigneur, que j'ai dû recevoir vos lettres très-tard, attendu mon voyage. Enfin, madame du Châtelet les a reçues avec le Socrate. Le sieur Thieriot aurait pu retirer le paquet à la poste plus tôt; mais M. Chambrier le retira, et, croyant que c'était votre portrait, il voulait, comme de raison, le garder. Émilie est au désespoir que ce ne soit que Socrate. Monseigneur, le palais de Cirey s'est flatté d'être orné de l'image du seul prince que nous comptions sur la terre. Émilie l'attend : elle le mérite, et vous êtes juste.

Le sieur Thieriot a encore cru que j'allais en Prusse. L'éclat de vos bontés pour moi l'a persuadé à beaucoup de monde. On inséra cette nouvelle dans les gazettes, il y a presque un mois. Mais, monseigneur, la pénétration de votre esprit vous aura fait deviner mon caractère; je suis sûr que vous m'aurez rendu la justice d'être persuadé que j'ai la plus extrême envie de vous faire ma cour, mais que je n'ai eu nullement le dessein d'y aller. Je suis incapable de faire une telle démarche sans des ordres précis.

La cour du Roi votre père et votre personne, monseigneur, doivent attirer des étrangers; mais un homme de lettres qui vous est attaché ne doit pas aller sans ordre.

Je ne comptais pas assurément sortir de Cirey, il y a un mois. Madame du Châtelet, dont l'âme est faite sur le modèle de la vôtre, et qui a sûrement avec vous une harmonie préétablie, devait me retenir dans sa cour, que je préfère, sans hésiter, à celle de tous les rois