<36>soin, ou si elle daigne l'employer autrement et le former aux affaires, ce sera un sujet dont V. M. sera extrêmement contente. Je vous suis trop attaché, Sire, pour vous parler ainsi de quelqu'un qui ne le mériterait pas; il est déjà instruit des affaires, malgré sa jeunesse; il a beaucoup travaillé sous son père, et plus d'un secret d'État est entre ses mains. Plus je le pratique, plus je le reconnais prudent et discret. V. M. ne se repentira pas d'avoir pris le baron de Schmettau; je crois que, dans un goût différent, elle sera tout aussi contente, pour le moins, du jeune Luiscius. Je suis comme les dévots qui ne cherchent qu'à donner des âmes à Dieu. J'attends que j'aie bien mis toutes les choses en train pour quitter le champ de bataille, et m'en retourner auprès de mon autre monarque, à Bruxelles.

Je suis, en attendant, dans votre palais, où M. de Raesfelda m'a donné un appartement sous le bon plaisir de V. M. Votre palais de la Haye est l'emblème des grandeurs humaines.

Sur des planchers pourris, sous des toits délabrés,
Sont des appartements dignes de notre maître;
Mais malheur aux lambris dorés
Qui n'ont ni porte ni fenêtre!
Je vois dans un grenier les armures antiques,
Les rondaches et les brassards,
Et les charnières des cuissards
Que portaient aux combats vos aïeux héroïques.
Leurs sabres tout rouilles sont rangés dans ces lieux,
Et les bois vermoulus de leurs lances gothiques,
Sur la terre couchés, sont en poudre comme eux.

Il y a aussi des livres que les rats seuls ont lus depuis cinquante ans, et qui sont couverts des plus larges toiles d'araignées de l'Europe, de peur que les profanes n'en approchent.

Si les pénates de ce palais pouvaient parler, ils vous diraient sans doute :


a Jean-Pierre de Raesfeld, envoyé de Prusse à la Haye de 1739 à 1741.