<202> je lui en souhaite beaucoup, et qu'il puisse durer autant que sa statue. Vale.

430. DE VOLTAIRE.

(Ferney) 20 décembre 1770.

En vérité, ce roi de la Chine écrit de jolies lettres. Mon Dieu, comme son style s'est perfectionné depuis son Éloge de Moukden! Qu'il rend bien justice à ce saint flibustier juif, nommé David, et à nos badauds de Paris! Je soupçonne S. M. Kien-Long de n'avoir chez lui aucun mandarin qui l'entende, et de chanter, comme Orphée, devant de beaux lions, de courageux léopards, des loups bien disciplinés, des faucons bien dressés. J'allai autrefois à la cour du Roi; je fus émerveillé de son armée, mais cent fois plus de sa personne; et je vous avoue, Sire, que je n'ai jamais fait de soupers plus agréables que ceux où Kien-Long le Grand daignait m'admettre. Je vous jure que je prenais la liberté de l'aimer autant qu'il me forçait à l'admirer; et, sans un Lapona qui me calomnia, je n'aurais jamais imaginé d'autre bonheur que de rester à Pékin.

Il est vrai que j'ai fait une très-grande fortune dans l'Occident; et, quoiqu'un abbé Terray m'en ait escamoté la plus grande partie (ce qui ne me serait point arrivé à Pékin), il m'en reste assez pour être plus heureux que je ne mérite; cependant je regrette toujours Kien-Long, que je regarde comme le plus grand homme des deux hémisphères. Comme il parle parfaitement le français, qu'il n'a pour-


a Maupertuis; allusion au voyage qu'il fit en Laponie, en 1736. Voyez t. III, p. 28; t. XI, p. 57; et t. XXI, p. 100.