<224>banqueroute de prières, si Rome avait la cruauté de les supprimer. On n'entend pas non plus des nouvelles du Turc; on ne sait à quoi Sa Hautesse s'occupe; mais je parierais bien que ce n'est pas à grand' chose. La Porte vient pourtant, après bien des remontrances, de relâcher M. Obreskoff,a ministre de la Russie, détenu contre le droit des gens, dont cette puissance barbare n'a aucune connaissance. C'est un acheminement à la paix qui va se conclure pour le plus grand avantage et la plus grande gloire de votre impératrice.

Je vous félicite du nouveau ministreb dont le Très-Chrétien a fait choix. On le dit homme d'esprit; en ce cas, vous trouverez en lui un protecteur déclaré. S'il est tel, il n'aura ni la faiblesse ni l'imbécillité de rendre Avignon au pape. On peut être bon catholique, et néanmoins dépouiller le vicaire de Dieu de ces possessions temporelles qui distraient trop des devoirs spirituels, et qui font souvent risquer le salut.

Quelque fécond que ce siècle soit en philosophes intrépides, actifs et ardents à répandre des vérités, il ne faut point s'étonner de la superstition dont vous vous plaignez en Suisse; ses racines tiennent à tout l'univers; elle est la fille de la timidité, de la faiblesse et de l'ignorance. Cette trinité domine aussi impérieusement dans les âmes vulgaires qu'une autre trinité dans les écoles de théologie. Quelles contradictions ne s'allient pas dans l'esprit humain! Le vieux prince d'Anhalt-Dessau, que vous avez vu, ne croyait point en Dieu; mais, allant à la chasse, il rebroussait chemin, s'il lui arrivait de rencontrer trois vieilles femmes; c'était un mauvais augure. Il n'entreprenait rien un lundi, parce que ce jour était malheureux. Si vous lui en demandiez la raison, il l'ignorait.c Vous savez ce qu'on rapporte de


a Voyez t. VI, p. 37.

b Le duc d'Aiguillon, qui fut nommé ministre des affaires étrangères le 6 juin 1771.

c La superstition populaire attribuait à ce même prince d'Anhalt un pouvoir surnaturel. Voyez t. XIX, p. 182 de notre édition. Voyez aussi t. I, p. 215 et suivantes; t. III, p. 181 et suivantes; t. XVI. p. 92 et 159; et t. XX, p. 125 et 147.