<240> mettant Voltaire de côté, ils en paraîtraient moins médiocres; et que de beaux lieux communs on pourrait répéter, en faisant la liste de tous les grands hommes qui ont survécu à eux-mêmes! On dirait que l'épée a usé le fourreau, que le feu ardent de ce grand génie l'a consumé avant le temps, qu'il faut bien se garder d'avoir trop d'esprit, parce qu'il s'use trop vite. Que de sots s'applaudiraient de ne pas se trouver dans ce cas! et qu'une multitude d'animaux à deux pieds, sans plumes, diraient : Nous sommes bien heureux de n'être point des Voltaires! Mais heureusement vous n'avez point de médecin premier ministre qui vous donne des drogues pour régner en votre place;a je crois même que la trempe de votre esprit résisterait aux poisons de l'âme.b

Je fais des vœux pour votre conservation; s'ils sont intéressés, vous devez me le pardonner en faveur du plaisir que vos ouvrages me font. Vale.

449. DE VOLTAIRE.

Ferney, 24 mars 1772.

Sire, quand même MM. Formey, Prémontval, Toussaint, Merian,c me diraient : C'est nous qui avons composé le Discours sur l'utilité des sciences et des arts dans un État, je leur répondrais : Messieurs, je n'en


a Allusion au comte de Struensée. Voyez t. VI, p. 55-57, et t. XIV, p. 235, et 273-283.

b La fin de cet alinéa, depuis « Si les insectes, » est omise dans l'édition de Kehl, et nous la tirons des Œuvres posthumes, t. IX, p. 161 et 162.

c De ces quatre membres de l'Académie de Berlin, André-Pierre le Guay de Prémontval était déjà mort le 3 septembre 1764; Toussaint (voyez t. IX, p. 90 et 91, et t. XX, p. 37) mourut le 22 juin 1772. Merian a été cité t. XIX, p. 219.