<336> ne sait plus où l'on en est. L'Europe n'est plus au temps des Condé et des Turenne, mais elle est au temps des Frédéric. Si jamais, par hasard, vous assiégiez Abbeville, je vous réponds que d'Étallonde vous servirait bien.

Ma santé décline furieusement; j'ai grand' peur de ne pas vivre assez longtemps pour voir finir son affaire. Mais elle finira bien sans moi; votre nom suffira; il ne me restera d'autre regret que de ne pas mourir auprès de V. M.

Je me mets à vos pieds avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance.

499. A VOLTAIRE.

Potsdam, 10 décembre 1774.

Non, vous ne mourrez pas de sitôt; vous prenez les suites de l'âge pour des avant-coureurs de la mort. Cette mort viendra à la fin; mais ce feu divin que Prométhée déroba aux cieux, et qui vous remplit, vous soutiendra et vous conservera encore longtemps.

« Il faut, monseigneur, que vos sermons baissent (disait Gil Blas à l'archevêque de Tolède) pour qu'on présage votre décadence. »a Jusqu'à présent vos sermons ne baissent pas. Récemment j'en ai lu deux, l'un à l'évêque de Senez,b l'autre à l'abbé Sabatier,c qui marquaient de la vigueur et de la force d'esprit. Cet esprit tient au genre ner-


a Voyez t. XIX, p. 361.

b Au révérend père en Dieu messire Jean de Beauvais, créé par le feu roi Louis XV évêque de Senez. Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XLVIII, p. 36-42.

c Dialogue de Pégase et du Vieillard. L. c, t. XIV, p. 282. Voyez ci-dessus, p. 270.