<471> place la plus brillante; la belle édition in-quartoa y est étalée dans toute sa pompe.

Vous me proposez un M. Delisle pour bibliothécaire; mais je dois vous apprendre que nous en avons déjà trois, et que, selon l'axiome des nominaux, il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité. Je crois qu'il faudra nous en tenir au nombre que nous en avons. Je vous avouerai que j'ai eu la bêtise de lire cet ouvrage de ce Delisle, pour lequel il a été banni de France; c'est une rapsodie informe, ce sont des raisonnements sans dialectique, et des idées chimériques qu'on ne saurait pardonner qu'à un homme qui écrit dans l'ivresse, et non à un homme qui se donne pour un penseur. S'il se fait folliculaire à Amsterdam ou bien à Leyde, il pourra y gagner de quoi subsister, sans sacrifier sa liberté aux caprices d'un despote en venant s'établir ici. Il y a eu des ex-jésuites à Paris, qui, après la suppression de l'ordre, se sont faits fiacres. Je n'ose proposer un tel métier à M. Delisle; mais il se pourrait qu'il fût habile cocher, et, à tout prendre, il vaut mieux être le premier cocher de l'Europe que le dernier des auteurs. Je vous parle avec une entière franchise; et, si vous connaissez l'original en question, vous conviendrez peut-être qu'il ne perdrait rien au troc.b

Pour mon très-indigne pupille, le duc de Würtemberg, je suis bien loin de vouloir excuser ses mauvais procédés. Il ne faut pas se rebuter; on gagne plus avec lui en l'importunant qu'en le convainquant de son droit; et j'espère encore de pouvoir ériger un trophée à Voltaire vainqueur du Duc.

Je suis sur le point d'aller à Berlin donner le carnaval aux autres sans y participer moi-même. Il s'y trouve un comte de Montmorency-Laval, très-aimable garçon que j'ai vu en Silésie. Je me dis-


a Collection complète des Œuvres de M. de Voltaire. Genève, 1768, trente volumes.

b La fin de cet alinéa, à partir de « Je vous avouerai, » omise dans l'édition de Kehl, est tirée des Œuvres posthumes, t. X, p. 84. M. Beuchot la donne en note.