<261> l'adore; je la félicite également du voyage qu'elle entreprendra en Italie. Ce pays est bien digne d'être visité par une princesse éclairée, qui en connaît le lustre ancien, et qui trouvera, dans la décadence de ce beau pays, bien des personnes qui pourront lui en rappeler l'ancienne urbanité. J'avoue que j'aime mieux savoir V. A. R. à Rome ou à Venise qu'à Aix ou bien à Spa; votre santé, madame, se fortifiera par l'exercice, et votre esprit se complaira à considérer les ruines et les monuments de grandeur de ce peuple-roi,a maître du monde alors connu. Ce qui compose les plus grandes monarchies de notre Europe faisait, du temps des Romains, des provinces proconsulaires; nous sommes en tout si petits envers eux, que ce que le laps des temps et la barbarie ont épargné de leurs ouvrages nous ravit encore en admiration.

J'espère que V. A. R. apprendra, pendant son voyage, la nouvelle de la paix conclue et de la tranquillité rétablie dans le Nord et l'Orient; il semble que les esprits commencent à se rapprocher, et que l'accès de fièvre chaude dont ils étaient atteints diminue à vue d'œil. Je me sentirai très-flatté, si mes soins m'attirent l'approbation de V. A. R.; que pourrais-je désirer de plus, madame, que de m'être rencontré avec les vues d'une princesse aussi éclairée? Connaissant la façon de penser de V. A. R., j'ai jugé d'abord qu'elle aurait en horreur l'horrible attentat qu'on a voulu commettre contre le roi de Pologne.b Je n'ai pas l'honneur d'être fort en commerce avec madame la Vierge de Czenstochow; mais je présume, selon ce que le douanier Matthieu rapporte d'elle, que le serment qu'on lui a fait de massacrer un roi n'a pas été de son goût. Il est affreux qu'on ne commette aucun régicide sans y mêler la religion; mais il faut s'attendre à tout d'une nation aussi barbare et aussi peu policée que la polonaise.


a Voyez t. XXI, p. 54.

b Voyez t. XXIII, p. 233 et suivantes.