<279>mité, mes yeux ne le voient pas, mon âme au moins sera toujours présente aux lieux que Frédéric éclaire de toute sa splendeur. Je me rappellerai sans cesse les moments où je l'ai vu, plus grand encore que sa haute réputation, descendre à tous les soins et à toutes les bontés dont un mérite médiocre eût eu besoin pour plaire. Je n'oublierai pas que j'ai été l'heureux objet de cette condescendance. La tête ne m'en tournera pas, car j'y prendrai bien garde; mais je n'aurai jamais fait un plus grand effort de raison qu'en m'opposant à la douce illusion que l'approbation du plus sublime des hommes eût dû faire sur mon mérite. Ah! Sire, que l'on s'en trouve peu lorsqu'on a eu le bonheur de vous connaître! Tout autre sentiment s'évanouit pour faire place à l'admiration et à la haute estime avec lesquelles je suis, etc.

168. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Le 18 juin 1773.



Madame ma sœur,

Je confesse ingénûment à Votre Altesse Royale que j'ai été trop téméraire en mes prophéties; je m'en suis trop reposé sur les apparences, et les apparences sont souvent trompeuses. J'ignorais ce qu'il en a coûté à quelques grands princes pour corrompre les ulémas; j'étais rempli des succès des armées russes, et encore ai-je été plus retenu que le fameux Despréaux, qui, plein de l'enthousiasme que lui inspiraient les victoires de Louis XIV, l'attendait en deux ans au bord de l'Hellespont.a Les Russes y sont, madame, et si les Turcs étaient


a Boileau dit dans son

Épître IV, Au Roi

, dernier vers :

Je t'attends dans deux ans aux bords de l'Hellespont.