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173. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 1er novembre 1773.



Sire,

Puisque vous le voulez absolument, vous ne serez donc pas un roi prophète; mais un roi qui, comme vous, commande aux événements vaut bien, ce me semble, un prophète qui les prédit après coup. Si V. M. veut sérieusement que les Turcs fassent la paix, ils la feront, et, directement ou indirectement, Frédéric les y amènera. C'est sur quoi je compte fort pour le bien de l'humanité et pour le mien, qui n'aime rien moins que le carnage, et qui tremble toujours de voir le feu prendre aux quatre coins de l'Europe. Il est vrai que ces embrasements donnent beau jeu à vous autres héros; il est encore vrai que le faible de nous autres femmes est de vous aimer; mais comme nous sommes poltronnes, tout en vous admirant, nous ne vous aimons jamais plus que lorsque le danger est passé. Ainsi, Sire, reposez-vous à l'ombre de vos lauriers, et faites que les autres se reposent et jouissent, sous vos auspices, à l'ombre d'une douce paix.

La protection que V. M. accorde aux jésuites un peu trop persécutés est fondée sur des motifs si respectables, que, malgré ma vénération pour les arrêts de Rome, et l'estime personnelle que le pape m'a inspirée, je n'oserais la désapprouver. Qui eût dit, Sire, qu'un monarque sectateur de Calvin deviendrait le seul asile de cette société si fière et si triomphante autrefois, et que les princesses catholiques fidèles à cette société devraient s'adresser à vous pour avoir un confesseur de cet ordre? C'est cependant ce qui m'arrivera sans faute, si, après le décès de mon bon père Kreitl, j'ai encore envie d'en avoir un de la même espèce; et je m'en fie bien à votre choix, Sire, que vous m'en fournirez un tel qu'il me faut. Comme je n'ambitionne rien tant que d'être en tout dirigée par son esprit supérieur, je serai