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182. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

(Potsdam) 6 août 1774.



Madame ma sœur,

C'est avec une surprise mêlée de douleur que j'ai appris l'accident singulier qui est arrivé à V. A. R. Mon premier mouvement était, madame, de vous écrire, pour avoir des nouvelles de votre précieuse santé; la réflexion m'a arrêté sur le point de saisir la plume. J'ai compris que je pourrais importuner V. A. R. dans des moments de souffrance, et qu'il était plus convenable de m'adresser à d'autres pour calmer mes inquiétudes. J'ai été assez heureux de recevoir de bonnes nouvelles de Munich, et de voir dissiper toutes les appréhensions que l'accident arrivé à V. A. R. avait fait naître. Je la félicite de tout mon cœur qu'un accident qui pouvait avoir des suites si funestes n'en ait point eu, et j'espère que le bon tempérament de V. A. R. la fera triompher également et de sa jambe rompue, et des chirurgiens qui la pansent. Cet événement malheureux m'a plongé dans de tristes réflexions. Voilà donc, me suis-je dit, à quoi tient le bonheur des hommes! Une barrière qui se brise à contre-temps à Nymphenbourg a pensé mettre toute l'Europe en deuil; et nous qui vivions ici dans la plus grande sécurité, lorsque personne n'appréhendait le moindre chagrin, nous avons risqué de perdre tout ce qui peut le plus attacher à la vie, des personnes que nous respectons. J'ai presque souhaité de n'avoir pas eu le bonheur de connaître et d'admirer V. A. R., pour n'avoir pas à éprouver la douleur de la regretter. Mais, que le ciel en soit béni! nous vous possédons encore, madame, et nous vous prierons tous de respecter désormais avec plus de soin votre précieuse personne, à laquelle est attaché le bonheur de tous ceux qui, comme moi, ont le bonheur de vous connaître. C'est en faisant des vœux, madame, pour votre prompt rétablissement que je prie V. A. R.