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43. DU MÊME.

Paris, 14 décembre 1767.



Sire,

Il y a quelque temps que j'eus l'honneur de recevoir de Votre Majesté une lettre charmante sur la poésie et la musique, lettre pleine de raison, de sel et d'esprit, et que le plus éclairé et en même temps le plus gai des philosophes serait très-flatté d'avoir écrite. J'ai mis plusieurs fois, Sire, la main à la plume, ou, comme disent les pédants, la plume à la main, pour répondre tant bien que mal à cette excellente lettre; mais la plume m'est tombée trois fois des mains; j'ai senti qu'on ne répliquait point par une froide discussion à des raisonnements très-fins et très-justes, soutenus par de bonnes plaisanteries. D'ailleurs, pour tenir tête, Sire, à un adversaire tel que V. M., il faudrait du moins que j'eusse tout entière à ma disposition la pauvre petite tête que Dieu m'a donnée; mais les approches de la mauvaise saison ont encore affaibli le peu qui m'en restait, et, pour peu que cela continue, j'aurai l'honneur de finir par être imbécile. J'espère du moins que si la destinée m'enlève le peu d'esprit qui me reste, elle me laissera toujours un cœur capable de sentir les bontés dont V. M. m'honore, et qui conservera toujours pour elle la plus vive et la plus respectueuse reconnaissance.

Quand V. M. jugera à propos d'augmenter le nombre des associés étrangers de son Académie, je prends la liberté de lui proposer d'avance M. l'abbé Bossut, dont j'ai eu déjà l'honneur de lui parler dans une lettre précédente; c'est un très-bon géomètre, qui a remporté plusieurs prix à l'Académie des sciences de Paris, et ailleurs. J'attendrai les ordres de V. M. pour le proposer à l'Académie, et je ne ferai sur cela que ce qu'elle voudra bien me prescrire. Je compte que V. M. est toujours satisfaite de M. de la Grange, et je me féli-