<606> archevêques et gens de leur séquelle, qui, trop esclaves de la coutume et fidèles à leurs anciens usages, continueront d'entasser, d'accumuler et de recéler des richesses. Je ne saurais vous dissimuler néanmoins que je crois qu'un mot suffirait pour rappeler dans ce royaume la même abondance d'espèces qui s'y trouvait autrefois; le crédit rétabli, voilà tout. Ce mot ressusciterait les trésors enfouis crainte de les perdre; il remettrait l'or et l'argent en circulation, et les philosophes seraient payés comme le pourraient être les maîtresses. A présent ce mot de conjuration est plus efficace que de certaines paroles que des gens à crâne fêlé prononcent devant des marmousets en certaines occasions. Pardonnez-moi cette comparaison scandaleuse; elle m'est échappée currente calamo, et puisqu'elle est écrite, je ne l'effacerai pas.

Mais ne pensez pas que vous autres Français vous soyez les seuls qui souffriez à présent; nous éprouvons ici en Allemagne des fléaux pires presque que ceux qu'occasionne chez vous la stagnation des espèces. Nous avons eu consécutivement deux mauvaises récoltes; la première année, la prévoyance y avait pourvu, mais celle-ci nous prend sans vert. Les magasins sont épuisés, et toute notre industrie suffira peut-être à peine pour nourrir le peuple et pour gagner la récolte de l'année prochaine. Voilà le sort des hommes dans le meilleur des mondes possibles. J'ajoute mes plaintes physiques à vos plaintes morales, et cependant il n'en sera ni plus ni moins. Je vous avoue que j'avais une grande envie de procurer la paix aux peuples de l'Orient et à mes barbares voisins les Sarmates. Je crains fort de n'y pas réussir; on accorderait plutôt les jansénistes et les molinistes que l'on ne mettrait certain nombre de têtes couronnées sous un chapeau. Passe encore, pourvu que ce feu n'aille pas, se communiquant de proche en proche, jeter quelque étincelle sur les maisons voisines.

Et voilà pour les querelles des despotes; pour celles des auteurs,