<641>P. S. Je prends la liberté, Sire, de joindre à ce long et ennuyeux verbiage en prose un portraita qu'on vient de graver ici, et au bas duquel on a mis des vers que ma muse géométrique a osé faire pour V. M., à qui je crois que ces mauvais vers sont déjà connus. Ce portrait, Sire, m'est précieux, en ce qu'il sera un monument des sentiments que j'ai voués depuis si longtemps à V. M. Je voudrais que ces vers fussent meilleurs, mais cependant j'oserai dire avec Despréaux,b dans un sujet bien différent :

Non, non, sur ce sujet pour écrire avec grâce,
Il ne faut point monter au sommet du Parnasse;
Et sans aller rêver dans le double vallon,
Le sentiment suffit, et vaut un Apollon.

J'ai placé, Sire, ce portrait dans mon cabinet, entre Des Cartes, Newton, Henri IV et Voltaire; et j'espère que V. M. ne me reprochera pas de l'avoir mise en mauvaise compagnie. J'en reste là, Sire, honteux d'abuser si longtemps du temps précieux de V. M. J'ajouterai seulement que si V. M. avait encore besoin de quelques bons


a Ce portrait, petit in-8, gravé par M. B. (Marie-Louise-Adélaïde Boizot, née à Paris en 1748), et publié à Paris, chez Massard, a pour légende les mots : Frédéric II, roi de Prusse et électeur de Brandebourg, né le 24 janvier 1712. On lit au bas les vers suivants :
     

Modeste sur un trône orné par la Victoire,
Il sut apprécier et mériter la gloire;
Héros dans ses malheurs, prompt à les réparer,
De Mars et d'Apollon déployant le génie,
Il vit l'Europe réunie
Pour le combattre et l'admirer.

d'Alembert.

b Boileau dit dans sa

première Satire

, vers 141-144 :

Non, non, sur ce sujet pour écrire avec grâce,
Il ne faut point monter au sommet du Parnasse :
Et sans aller rêver dans le double vallon,
La colère suffit, et vaut un Apollon.