74. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Le Ier décembre 1766.



Madame ma sœur,

Aucune joie n'est plus vive que celle que j'ai ressentie en recevant la lettre de V. A. R., par laquelle elle a la bonté de m'annoncer sa convalescence. Soyez persuadée, madame, que cette nouvelle m'a fait un sensible plaisir, surtout l'apprenant par vous-même. Je vous supplie, madame, épargnez-nous des frayeurs pareilles à celles que vous nous avez causées, autant qu'il dépendra de vous; vous devez être persuadée de la haute estime que j'ai pour vous, sans que mes frayeurs et mes alarmes soient nécessaires pour vous en convaincre davantage. Je vous demande bien pardon de la lettre polissonne que je vous ai écrite; j'étais dans la plus profonde sécurité, je ne craignais<138> rien pour V. A. R.; et comme, vis-à-vis de vous, madame, il me serait bien difficile d'être orthodoxe, je ne risque rien de la sainte Église que d'être damné par elle un peu plus, un peu moins; ce qui revient au même. J'ai ici à présent ma nièce la duchesse de Würtemberg, qui se souvient avec plaisir d'avoir eu le bonheur de voir V. A. R. autrefois. Elle est bien malheureuse et bien à plaindre; son mari me donne bien de la besogne; c'est un homme violent, dont elle a tout à craindre, qui la chagrine, et ne la paye pas. Je tente tout pour le mettre à la raison. Mais je ne dois pas, madame, abuser de votre patience en vous entretenant de choses tout à fait étrangères; je redouble de vœux pour la conservation de V. A. R., en l'assurant que personne ne s'intéresse plus sincèrement à ce qui la regarde que, etc.