<166> Sire, y voir V. M. le plus tard possible, et puisse la destinée qui préside aux jours des grands hommes prolonger encore longtemps les vôtres!

Je suis avec la plus profonde et la plus tendre vénération, etc.

218. A D'ALEMBERT.

(Le 1er mai 1780.)a

Comme je n'ai la goutte qu'aux pieds, je ne l'ai pas à la tête; ainsi cela ne m'empêche pas, mon cher d'Alembert, de conserver quelques restes de mon ancienne gaîté. J'aime mieux suivre l'exemple de Démocrite que de pleurer éternellement avec Heraclite sur des malheurs que nous ne saurions changer; ainsi toutes les sottises sorboniques m'amusent autant qu'Arlequin sauvage de la comédie italienne. Apprendre des sages et se divertir des fous, voilà ce qui convient le mieux aux hommes sensés; aussi fais-je, et je vous réponds que vos moines qui se targuent le plus de leur ténébreuse science sont ceux qui servent le mieux à mes menus plaisirs.

Quelque peine que se donne votre engeance théologique pour flétrir Voltaire après sa mort, je n'y reconnais que l'effort impuissant d'une rage envieuse, qui couvre d'opprobre ceux qui en sont les auteurs. Muni de toutes les pièces que vous m'avez envoyées, j'entame à Berlin la fameuse négociation pour le service de Voltaire, et quoique je n'aie aucune idée d'une âme immortelle, on dira une messe pour la sienne. Les acteurs qui jouent chez nous cette farce connaissent


a Cette date est tirée de la traduction allemande des Œuvres posthumes, t. XI, p. 268.