<222>

241. DE D'ALEMBERT.

Paris, 10 septembrea 1781.



Sire,

Votre Majesté me paraît si stupéfaite et presque si scandalisée de mon érudition hébraïque, davidique et prophétique, que je suis presque tenté d'en être honteux et d'en demander pardon au roi philosophe. Mais, Sire, ce roi philosophe me pardonnera d'avoir tant de sottises dans la tête, quand il saura que j'ai eu le malheur d'être élevé par des dévots qui me faisaient réciter force psaumes, que Dieu m'a doué d'une mémoire qui n'a pu les expulser de ma tête depuis cinquante ans, et que je me console au moins par l'usage que j'en ai fait à la louange de V. M.

J'ai reçu la gratification que V. M. a bien voulu accorder à ce jeune homme. Je n'ai pu encore lui faire savoir les bontés dont V. M. l'honore, parce que les colléges sont actuellement en vacances pour un mois, et que le jeune homme est allé, je ne sais où, passer ces vacances dans sa pauvre et obscure famille, qui habite à cent lieues de Paris, dans je ne sais quel village; mais j'ai remis cette gratification au professeur du jeune homme, qui la lui remettra à son retour. Toute l'université, Sire, est instruite par moi de ce que vient de faire V. M. pour aider et encourager ce pauvre jeune homme dans ses études; elle en est pénétrée de reconnaissance, et je suis sûr que les louanges de V. M. vont être chantées dans tous nos colléges, en latin, en grec, peut-être en hébreu, et en français même, quoique le français soit la langue que nos pédants savent le moins.

V. M. a bien raison contre Salomon, qui prétend qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil.b Je serais bien de moitié avec V. M. pour


a Le 1er septembre. (Variante de la traduction allemande des Œuvres posthumes, t. XV, p. 131.)

b Ecclésiaste, chap. I, v. 9.