<259> à laquelle nous ne saurions atteindre, ni nous composer une généalogie imaginaire qui, loin de nous anoblir, nous dégrade, parce que, en considérant la turpitude et les crimes de notre espèce, il y aurait plus de vraisemblance à nous croire descendus d'êtres malfaisants (supposé qu'il en existe) que d'un être dont la nature même doit être la bonté. Mais dès que la goutte, la pierre ou le taureau de Phalaris s'en mêlent, les cris aigus qui échappent au souffrant attestent que la douleur est un mal très-réel. J'espère que votre vessie ne vous mettra plus dans le cas de donner un démenti aux stoïciens. Mon âme m'a appris, par l'expérience, qu'elle est la très-humble servante de mon corps. Aussi souvent qu'il souffre, elle est très-mal à son aise, tant ses facultés intellectuelles sont assujetties à la mécanique de notre organisation.

Quel saut des stoïciens au saint-père! Mais puisqu'il est fait, je poursuis. Ce pauvre prêtre a démenti son infaillibilité par son voyage de Vienne; il s'est exposé à recevoir un refus auquel il pouvait s'attendre. L'Empereur continue ses sécularisations sans interruption; il paraît que les couvents riches ont la préférence sur les mendiants; on ne touche pas à ces derniers, dont le bien public exigerait la réforme préférablement aux premiers. Je doute fort qu'en France on imite l'auguste César germanique, à moins que votre contrôleur général n'ait épuisé toutes les ressources de son industrie pour procurer des fonds au gouvernement. Chez nous, chacun reste comme il est, et je respecte le droit des possessions, sur lequel toute société est fondée.

On nous a annoncé ici la disgrâce de M. de Grasse; il a marqué beaucoup de valeur dans ce combat qui lui a si mal réussi. Il paraît que la marine anglaise a une grande supériorité dans la manœuvre sur celle des Français. C'est faute d'exercice et d'expérience de la part de vos compatriotes; ce sont des choses où ils pourront parvenir à se perfectionner, si on les encourage à l'application, et qu'on leur donne