« <83> écolier qui allait voir son maître. - Je désirerais fort, lui dis-je, que M. le comte de Falkenstein pût voir les lettres que le roi de Prusse me fit l'honneur de m'écrire après cette entrevue;a il y verrait que ce prince portait dès lors sur l'Empereur le jugement que la voix publique a confirmé depuis. » J'ai cru, Sire, que V. M. ne serait pas fâchée d'être instruite de cette conversation. Je ne lui ferai pas un détail ennuyeux de ce que l'Empereur eut la bonté d'ajouter relativement à moi-même; je lui dirai seulement que j'avais lu dans l'assemblée deux morceaux; l'un consistait en quelques synonymes dans le goût de ceux de l'abbé Girard, et parmi ces synonymes était celui de simplicité, modestie, qui finissait par une application légère et indirecte à ce prince, et qu'il me parut sentir avec plaisir. L'autre morceau était un Éloge très-court de Fénelon, dans lequel il y avait aussi plusieurs choses indirectes qui lui étaient relatives, entre autres un sur les voyages que Fénelon avait désiré de faire faire au duc de Bourgogne son élève, et sur le désir qu'il avait que ces voyages fussent sans cortége et sans appareil. Le comte de Falkenstein a recueilli au spectacle le fruit de cette simplicité avec laquelle il voyage. Il alla voir Œdipe il y a quelques jours, et, dans l'endroit où Jocaste dit ces vers de la première scène du quatrième acte :

.... Ce roi, plus grand que sa fortune,
Dédaignait, comme vous, une pompe importune, etc.,b

tout le spectacle se tourna vers lui, et battit des mains à plusieurs reprises. Cette simplicité, Sire, est un bel exemple que l'Empereur est venu donner à nos princes, qui en ce moment ne voyagent pas comme lui; et cet exemple lui a été donné par un autre roi, bien fait pour servir de modèle en tout à ses confrères. L'Empereur a vu avec intérêt tout ce qui mérite d'être vu ici, et il a marqué partout beau-


a Voyez t. XXIV, p. 510, no 60.

b Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. II, p. 104.